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Les après de ‘RIyeS !’, 3 : les autistes sont-ils demandeurs de leur S1 ?

Dernière mise à jour : 23 févr.

Dans ‘l’après, 2’, je me demandais si l’absence de frappe signifiante sur le corps du sujet autiste provient d’un S1, signifié, mais pas acceptable, et donc non accepté pour commencer la suite des (S1, S2, S3…) qui constitue l’entrée dans le langage par son apprentissage, le S2 étant un savoir sur le S1.

Cette hypothèse reste valable, d’autant plus qu’en fait, son résultat est qu’elle revient à l’hypothèse suivante, selon laquelle le sujet autiste ne s’est pas vu signifié son S1. Cela revient au même, le S1 est manquant, l’accès à une parole personnelle, avec l’effet subjectif : « Moi ? » et son acceptation ne viennent jamais.

Si un ou des parents disent à leur enfant : « tu es une petite poubelle » mais que cet enfant se sent foncièrement garçon et non fille, peut-être alors refusera-t-il ce S1 comme non valable. Avec cet enfant, la psychanalyse sera donc d’examiner les pourquoi de son identification masculine qui le font refuser ce S1.

Un voyage en train que j’ai fait récemment me fait penser que les autistes, tant qu’ils sont autistes, sont demandeurs de leur S1. Dans ce train, il y avait, à l’autre bout du wagon, une famille avec un petit garçon qui ne faisait que désobéir et se rendre insupportable à tout le monde par ses cris et péroraisons. Il disait, notamment, dans le langage simplifié qu’on impose parfois aux autistes, « c’est pas la même », « c’est pas la même », sans qu’on sache de quoi il parlait ni le sens de cette bribe d’énoncé. De mon siège, je lui adresse, gentiment : « c’est quoi, pas la même ? ». Il répond : « c’est... ». Je lui propose : « c’est quelque chose », tout en réalisant que Lacan, justement, pensait qu’ « il y a quelque chose à leur dire ». Je n’avais pas encore pensé que ce quelque chose à leur dire pouvait être, textuellement, l’énoncé : « quelque chose ». Est-ce donc cela ? Et pour quel effet ? Sans doute l’effet d’arrêter, d’interloquer, car ce petit garçon s’arrêta de crier et de dire, justement, interloqué par ce « quelque chose » qui est bien difficile à définir, quand on a pas encore parlé ni appris à le faire à la suite de la frappe signifiante de l’acceptation du S1.

Profitant de ce moment où l’enfant était interloqué, je lui demandai : « Tu es … , » ce à quoi il répondit « Je suis… je suis… je suis... », comme dans le besoin d’être quelque chose, définie par le S1, sans pouvoir répondre de lui-même.

« Tu es un chenapan », lui dis-je, mais avec l’intonation que ma structure de névrosé permet, celle qui laisse la place à l’accueil, mais qui nous rendais justice, à nous tous du wagon. « Je suis un chenapan... » dit il, « un chenapan… , ». J’ai déjà averti que les psychanalystes qui à l’avenir pourraient guérir les autistes devraient, dans le cas d’un S1 déjà reçu, être les agents du S2. Devons-nous, aussi, dans les cas où il n’a pas été reçu, nous faire les agents du S1, dans la séance de psychanalyse ? C’est sans nul doute inédit.

Christophe Gervot, psychanalyste, écrivain, le 11 juillet 2022

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