christophegervot
As an inner city man, 3 : Willem d'ailleurs / Willem from somewhere else
Willem, je l’ai rencontré il y a des années, puis on s’est quittés, c’est con, sur un malentendu.
J’avais depuis quelques semaines le sourire aux lèvres. Dans le tram, à des amis que je rencontre là par hasard, je ne peux que leur dire que tout va bien, que la vie est belle, comme jamais.
En fait, il a suffit que je change d’analyste. Un jour je me suis dit : avec lui, l’ancien, c’est plus possible.
J’ai pris mon téléphone.
J’ai pris le train. Les semaines qui passent me font sourire. Un graffiti dans l’allée où je vais à mes séances dit : « La vie est belle ». C’est vrai.
Rien qu’en changeant.
Willem, justement, je l’ai rencontré là, dans le train. Il partait en voyage dans le sud. Il apprenait le castillan à l’université. Moi, je bossais à l’EOI (l’École Officielle de Langues). Mais je ne parle pas sa langue. On parle en castillan.
On prends des trains différents, arrivés à Madrid. Je lui serre la main. Il m’a donné son mail.
Je vais en séances, je vois la différence.
On se revoit avec Willem. On va à l’IVAM, à Valence, voir une expo. Je lui explique comment je comprends, moi, les tableaux. Voilà, on est amis.
Tellement un vrai ami pour moi que ma psy me dit : je préfère que vous ayez vos samedis. Donc pas de séances. Du coup, sms, rendez-vous pour découvrir les bars de la ville. Je l’aide à décrypter ce pays.
Mais un jour, invités que nous sommes chez d’autres amis, de plus longue date, alors que la conversation est au vinaigre, je décide de partir de là, c’est nul, c’est plein de préjugés et de poncifs dans la parlote.
Willem part de là avec moi, mais offusqué. Je n’ai pas été poli. J’aurais pas dû faire ça, partir de là.
Je suis surpris, je ne connaissais pas ça chez lui.
On va jusqu’à la gare et c’est la dernière fois. Qu’on se voit.
Ça fait des années.
Je regarde son Facebook parfois. Il quitté l’Espagne.
Yavait tant de présupposés culturels que nous ne partagions pas.
Merci pour ton vin chaud, Willem.
Christophe
Nous les écrivains qui avons déjà écrit assez de pages pour non pas trouver un style, mais pour plutôt connaître notre style, n'avons pas toujours le goût de lire, sauf les livres de quelques auteurs que nous apprécions, car notre style télescope celui des autres auteurs. Je dois dire que je n'aime pas lire. J'aime la littérature, et non lire. Et nous préférons, en tout cas moi je préfère, vivre parmi les gens qui nous entourent, parmi ceux que nous rencontrons, là où nous sommes, là où nous allons, pour partager avec eux la vie de tous les jours, la vie courante, la vie et ses problèmes, car nous sommes comme eux, même si nous écrivons.
Christophe Gervot, écrivain, musicien, artiste conceptuel, psychanalyste, traducteur, formateur, le 16/06/2020.